Ouverture du bal
Si la saison des bals nourrit les chroniques mondaines de Lady Whistledown dans La Chronique des Bridgerton, depuis deux week-ends, je promène mon denim et ma curiosité de lectrice dans les allées des fêtes du livre des environs, avec cette impression : celle d’ouvrir le bal d’une saison hivernale bouillonnante de culture. Exit la robe de bal, bonjour le bruit du monde !
Ainsi, dimanche dernier, je montais dans le TER avec vue mer, en direction de la Fête du Livre de Toulon, où dès le matin régnait une certaine affluence. Puis hier, après un déjeuner dans le quartier de Préfecture, je filais en direction du Parc Chanot où se déroulait le Festival du livre de Marseille. Histoire d’être dans le thème « Le sport à l’honneur » et surtout parce que la lumière méditerranéenne ne donnait nulle envie de s’engouffrer dans une bouche de métro, j’ai parcouru les trois kilomètres à pied, lunettes de soleil glamour sur le nez.
You tell me that you want me, You tell me that you need me
Que l’on soit auteur ou lecteur, participer à un salon du livre, c’est la rencontre physique entre l’écrivain et le public. C’est le moment où l’on fait fi de l’adage « Never meet your heroes », quitte à parfois vivre une expérience déceptive proustienne. Chaque salon du livre est une chose nouvelle dont je ne saurais anticiper la teneur. Chaque salon du livre est une addiction. La foule, la chaleur, le rouge aux joues, la loquacité, le bruit, chaque salon du livre est une ivresse.
Les éditions le bruit du monde se lancent dans le bouillon culturel marseillais
Sur le programme du festival, j’avais pris soin de repérer le nom des auteurs et les rencontres qui m’intéressaient, pour très vite en identifier leur dénominateur commun, une jeune maison d’édition installée rue de Rome à Marseille et fondée par Marie-Pierre Gracedieu et Adrien Servières : le bruit du monde. Marseille, depuis quelques années, est devenue la ville du champ des possibles, celle où l’on peut commencer. Il n’en fallait pas plus pour éveiller ma curiosité et enclencher ce processus monomaniaque qui me fait ressembler à une groupie.
Sans restreindre les genres, le bruit du monde marche au coup de foudre, Marseille oblige, et souhaite proposer des textes dont on sort un peu plus instruits. Les essais font également partie du catalogue, mais ils seront narratifs, nous dit Marie-Pierre Gracedieu.
Ainsi, Boris Pétric, anthropologue, propose dans son essai narratif « Château Pékin », le vin comme une nouvelle forme de distinction sociale et questionne notamment le rapport contradictoire de la France à l’étranger, s’ouvrir ? se fermer ? réguler ? Il choisit la maison d’édition le bruit du monde pour cette collaboration qu’il considère comme une co-fabrication du livre.
Christian Astolfi publiait ses romans précédents chez Flammarion, c’est en quelque sorte le bruit du monde qui l’a choisi pour son roman « De notre monde emporté ». L’amiante, héritage empoisonné, est au coeur de cette oeuvre romanesque à l’écriture lyrique. Christian Astolfi s’intéresse au corps. Le corps physique, le corps social, le corps est partout nous dit-il.
Quatre destinées, quatre époques et un lieu sacré, « Le Rocher blanc », Anna Hope nous présente son nouveau roman publié lui aussi aux éditions le bruit du monde, une oeuvre interrogeant les rapports complexes entre l’humanité et la nature. Je pense qu’il faut lire ce texte pour en saisir la maîtrise narrative, les paradoxes et la puissance qui semble s’en dégager.
Ce que peut le lecteur
« J’en parle de mieux en mieux grâce aux lecteurs », nous dit Christian Astolfi. « Il est très plaisant d’observer comment un livre peut ouvrir des questionnements nouveaux chez le lecteur », constate Boris Pétric. Et Anna Hope nous dit aussi que c’est le lecteur qui décide de la lecture qu’il en fait, tel un test de Rorschach.
Le rouge aux joues, des livres dédicacés dans mon tote bag, la tête remplie du souvenir de ces rencontres, je sors comme ivre du salon et descends dans la bouche de métro. La nuit est tombée.
Festival du livre de Marseille, 26-27 novembre 2022 au Parc Chanot