Tentative d’épuisement d’un lieu aubagnais

Samedi dernier, je participais à l’atelier d’écriture d’Hélèna Villovitch à la librairie Les Furtifs. Pour prolonger le plaisir de l’atelier, Hélèna nous propose une consigne à accomplir une fois rentrés chez nous. Une invitation à s’inspirer de « Tentative d’épuisement d’un lieu parisien » de Georges Perec, en partant du lieu, la librairie, et de la salle où s’est déroulé notre atelier.
Invitation acceptée !

Tentative d’épuisement d’un lieu aubagnais
La date : 22 octobre 2022
L’heure : 10h00
Le lieu : Librairie les Furtifs, Aubagne
Le temps : grisaille automnale et température tiède

Dix heures, j’entre. Juste avant, j’ai jeté un œil à la vitrine. Pas assez de temps pour admirer la magnifique façade de la librairie. C’est depuis le trottoir d’en face qu’on la voit le mieux. À l’entrée, sur la gauche, la caisse, déjà quelques personnes qui font la queue.

Tout de suite après l’entrée, sur une table en bois, les livres de la rentrée. Puis, l’escalier. Celui qui monte au salon de thé gourmand, le lieu où se déroulera l’atelier. Marches blanches, rampe métallique, mur de glaces, éclairage jaune au plafond, éléments conférant une touche Art Déco à l’ensemble.

J’arrive au salon gourmand, Alice nous prépare les boissons d’accueil. Un café pour moi, servi dans une tasse en verre. Hélèna en bout de table, une table rectangulaire en bois massif. Trois participantes déjà installées. Je m’assois. Sur la table, des feuilles blanches, une pile de cahiers, j’aime les cahiers. Des feutres de toutes les couleurs dans un pot en plastique transparent. Dans un autre, des stylos bleus à disposition, futurs vecteurs de nos mots.

Un dernier participant arrive. Il s’installe en bout de table, en face d’Hélèna. Je me trouve à la droite du participant. De ma place, je peux voir les miroirs de l’escalier, et le bar sur la gauche. Je tourne le dos à la baie vitrée, je tourne le dos aux fauteuils avec vue sur la rue de la République, je tourne le dos à l’extérieur, chaise avec vue sur les lignes de mon cahier.

Exercices d’échauffement. Lipogrammes avec une seule voyelle. Pour le « O », je sèche. Je sèche tandis que le bleu du stylo s’épanche sur ma main moite de gauchère. La tiédeur extérieure m’a suivie.

Atelier d’écriture, renouer avec l’écriture manuscrite, avec le cahier, avec le stylo qui tache, la crampe au poignet qui se substitue à la tendinite de la souris. Mon écriture a changé, je crois. Ce n’est plus l’écriture des devoirs scolaires, c’est une écriture de l’écriture. Mécanique manuelle des mots retrouvée. L’écriture manuscrite comme un objectif 50 mm, la focale la plus proche de la vision de l’œil humain. Écriture avec vue sur les lignes de mon cahier.

Hélèna qui observe nos mains écrivantes, toutes à l’unisson, nos stylos comme des archets. Hélèna qui observe la valse des archets dans ce silence. Hélèna qui observe les pages se garnir des mots de la consigne, qu’ensuite nous partagerons. Hélèna, vecteur attentif de nos textes.

Les aiguilles de la pendule avancent, je dois effectuer une torsion pour la voir. Pendule dans mon dos. Oubliée, le temps d’un atelier d’écriture. Telle est ma tentative d’épuisement d’un lieu aubagnais. Vaine tentative, la librairie est un lieu qui ne s’épuise jamais.

Un grand merci à Hélèna pour l’animation de cet atelier perecquien, et pour sa capacité à nous insuffler avec tant de gentillesse et de bienveillance le geste d’écrire. Et comme à l’accoutumée, accueil parfait par Alice, dans un lieu aubagnais nommé libraire Les Furtifs !