La lecture d’un premier roman me procure toujours un plaisir particulier. Il est comme un premier amour, présentant encore quelques aspérités et défauts que l’expérience lissera. Il est passionné et enthousiaste. Ainsi, ces premiers textes, je les préfère souvent aux suivants, pour leur honnête fraicheur. C’est dans cet état d’esprit que j’ai abordé la lecture de « L’horloge, Claire et notre voyage en train vers la mer » de Belinda Bonazzi.
« Tout commence par une horloge, ou plutôt par son souvenir », tel en est l’incipit annonciateur. Nous voilà, lecteur, embarqué dans un voyage, celui de la recherche de l’horloge. Une odyssée initiatique dont les événements seront tout aussi enrichissants et déterminants que la destination.
Le roman raconte la peine ancrée depuis des années, après la perte du frère, Bruno. Résumé ainsi, on imagine un roman triste. Or, le texte est solaire, enthousiaste et dégage assez rapidement un fort capital sympathie. Peut-être parce qu’on y retrouve un petit quelque chose des romans d’aventure de l’enfance. Un procédé et une esthétique qui m’ont rappelé les péripéties oniriques d’ « Alice au pays des merveilles ». Dans le style de Belinda Bonazzi, l’enthousiasme pour l’acte d’écrire transparait. Cela s’est parfois traduit dans ma lecture par des moments un peu « trop dits », au regard de mes goûts pour le minimalisme et l’implicite. Certains passages auraient peut-être gagné à ne pas en rajouter, ceci restant bien entendu une affaire de goût.
On avance dans la lecture confiant, tout va bien se passer se dit-on. Or, paradoxalement et de manière intéressante, les passages du roman où le temps semble suspendu, nous extraient de cette certitude. Le tougoudoum lancinant du train renforce la sensation. On entre dans les rêves de la narratrice, perdant nos repères spatio-temporels. Les personnages apparaissent, disparaissent, évanescents, parfois absurdes. C’est en ce sens que l’écho à « Alice aux pays des merveilles » se produit pour moi.
Dans ce voyage un peu fou, un peu kafkaïen, on ira au bord de la mer, on attendra Vladimir et Estragon de Beckett, on chantera « Should I stay or should I go » des Clash, on écoutera des morceaux de piano et des standards de jazz, on imaginera le son des enregistrements de train auxquels s’adonne Paul le voisin. Le temps s’écoulera de façon variable et imprévisible, comme s’il fallait retrouver l’horloge pour retrouver le temps, pour se retrouver soi.
Telle fut ma lecture de « L’horloge, Claire et notre voyage en train vers la mer » de Belinda Bonazzi à qui j’adresse mes remerciements pour m’avoir confié cette lecture.