Moi j’avais mon style, toi t’avais ton style
Selon le récemment publié « C’est vous l’écrivain » de Jean-Philippe Toussaint aux éditions Le Robert, une phrase parfaite n’est rien sans cette notion de souffle littéraire, cette énergie portée par le mouvement d’un vent intérieur favorable faisant gonfler les voiles de l’écriture. Je dois abonder en ce sens car, toutes proportions gardées, mes baisses de tonus saisonnières influent fortement sur mon écriture, sur le rythme de mes phrases et sur mon niveau d’impertinence ou d’espièglerie à l’écrit. Ainsi, quand la fin de la saison hivernale n’en finit plus, quand l’actualité géopolitique devient tragique, quand le taf et ses tableaux croisés dynamiques se font toxiques, quand mon tube de vitamine C est vide et que les autres lettres de l’alphabet me menacent d’une carence imminente, que voulez-vous, mon souffle littéraire n’est plus qu’une brise juste bonne à déplacer les pollens dans mes narines démasquées.
Quand la musique est bonne
Mais le souffle littéraire, nous dit Jean-Philippe Toussaint, est ce que la vague est au surfeur, un élément extérieur qu’il faut parfois aller chercher. Aussi, vendredi soir, au lieu de me désoler de mes yeux rougis par l’overdose d’écran hebdomadaire (toujours cette grande vocation des tableaux croisés dynamiques) et de mon teint jauni par la lumière bleue dudit écran, je me suis soudainement sentie pétiller à la perspective de rejoindre un groupe d’amis pour une soirée d’anniversaire où guitares acoustiques, pupitres pour partitions et voix rock & roll allaient improviser un répertoire en guise de Happy Birthday. J’ai alors ressorti mes cordes vocales du masque chirurgical, elles n’avaient somme toute pas trop perdu de leur signature rock, ouf sauvée ! et en solo, en duo, ou en choeur avec mes amis, j’ai chanté, lâché prise, plané, vidé mes poumons, retrouvé mon souffle. Je suis plutôt une accoutumée de ce format de soirées dont on ressort bien plus nourri qu’à la sortie d’une soirée pseudo-branchée. Et à chaque fin de soirée, lorsque je remonte dans ma voiture, que je lance ma playlist, le trajet du retour revêt cette saveur toute particulière que j’adore. Calmement, je roule, et d’une voix complètement cassée qui me sied, je rechante tous les morceaux de la soirée, le souffle retrouvé.