The Beautiful and Damned
Cette nouvelle traduction par Julie Wolkenstein est l’occasion de découvrir le deuxième roman mal connu de Francis Scott Fitzgerald, paru en 1921, soit il y a exactement un siècle. Le titre du roman fut traduit par « Les Heureux et les Damnés », « Beaux et damnés » et désormais « Beaux et maudits », les trois traductions laissant néanmoins peu d’espoir pour un happy end.
Les années folles
J’ai lu les 600 pages (tout de même) du roman durant mes vacances. L’envie de me replonger dans la lecture d’auteurs classiques, l’envie de vivre dans un monde de fête et de frivolité, même s’il sera suivi du désenchantement, l’envie de rêver, de danser à l’ère du jazz, de vivre dans l’élégante insouciance des personnages oisifs typiquement fitzgeraldiens, de tourbillonner en robe de fête. Car ce roman aurait presque pu s’intituler New York est une fête. Les protagonistes, Anthony et Gloria forment un couple moderne avant l’heure, passionnés et excessifs, incapables de s’intégrer dans un schéma de vie conformiste, et toujours en quête de cocktails et de mondanités pour échapper à l’ennui. Derrière le rideau de la fête, c’est bien là le thème du livre, comment échapper au temps qui passe et qui laisse les opportunités derrière nous, comment rester longtemps jeunes et heureux. Et surtout, passionnés.
What else ?
Outre les fêtes et l’alcool sous la Prohibition, il y a l’ironie de l’écriture de Fitzgerald. Je n’avais pas ce souvenir de ma lecture de Gatsby le Magnifique, mais l’écriture de Fitzgerald, dans ce roman-ci, est souvent ironique. Page 324, on y trouve même, avec quasi un siècle d’avance, une évocation du … principe de Dilbert. Tout le monde, sans distinction, en prend un peu pour son grade. Le roman est également une réflexion sur ce que devrait ou ne devrait pas être la littérature « J’en ai marre du réalisme à deux balles. Je crois que le romantisme a toujours sa place dans la littérature. p. 577). Un peu plus loin, il est déjà question de la mort de la poésie…
La citation
Mais lorsqu’on approche de la trentaine, ça se complique, et ce qui était jusque-là immédiat et déroutant s’éloigne et décline progressivement. La routine nous tombe dessus comme le crépuscule sur un paysage aride, l’affadissant jusqu’à le rendre supportable. Les complications sont trop subtiles, trop diverses; notre système de valeurs est entièrement bouleversé chaque fois que notre force vitale est blessée, on a commencé à se rendre compte que le passé n’apprend rien qui puisse servir à affronter l’avenir – alors on cesse d’être impétueux et perfectible, de chercher à discerner les contours précis de la vérité morale, on remplace sa conception de l’intégrité par des règles de conduite, on fait passer la sécurité avant la romance, on devient, sans du tout s’en apercevoir, pragmatique.
« Beaux et maudits », un roman à lire en pyjama de soie, accompagné d’une coupe de champagne et d’un album de Conal Fowkes !