Du coté de chez Cesare Pavese, dedicato a tutti quelli che

Du côté de chez Cesare Pavese

Cesare Pavese est l’écrivain des collines piémontaises. Il nait le 9 septembre 1908 à Santo Stefano Belbo, dans les collines de Langhe où il passe sa petite enfance. Un lieu cristallisé qui marquera l’œuvre de Pavese. Œuvre qui reflétera également une inaptitude fondamentale à la vie, il convient de souligner que la période historique que vit l’écrivain est une époque tragique. Cesare Pavese étudie la littérature anglaise à Turin et traduit notamment les œuvres de John Dos Passos, William Faulkner, James Joyce. Avec Leone Ginzburg, il fonde les éditions Einaudi auxquelles il restera fidèle. En 1936, il publie Travailler fatigue, en 1942 La plage. Entre 1945 et 1950, son travail créatif est important, il publie notamment Les trois courts romans Le Bel étéLe diable sur les collineset Entre femmes seules. Le 26 août 1950, au sommet de sa gloire, dans une chambre d’hôtel de Turin, l’écrivain torturé met fin à ses jours. Son journal intime Le métier de vivre est publié en 1952. Il est difficile de faire abstraction de son acte suicidaire quand on se penche sur son œuvre, tant elle en est imprégnée. « Tous les romans de Pavese, écrit Calvino, tournent autour d’un thème caché, autour d’une chose non dite qui est la chose qu’il veut vraiment dire et qui ne peut être dite qu’en la taisant. »

Ces dernières semaines, vous aurez remarqué ma curiosité pour la littérature italienne et j’ai poursuivi cette exploration en allant du côté de chez Cesare Pavese. En commençant par La plage. J’ai découvert un style à l’écriture accessible, mais à l’esthétique forte. On ne sait où se niche sa puissance, on n’en décèle pas le procédé, on en ressent juste la force poétique, dans ses interstices. Pour le style de Pavese en général, la critique parle de réalisme lyrique, d’œuvre fitzgéraldienne, poétique et d’une grande beauté formelle. Pavese considère La plage comme une pure recherche de style. Il ne s’y passe rien d’extraordinaire, j’ai pourtant éprouvé un plaisir immense à la lecture de ce court roman qui m’a ouvert les portes de l’œuvre pavesienne. 

Le Bel été réunit les trois courts romans Le Bel étéLe Diable sur les collines et Entre femmes seules, qui nous parlent d’enthousiasme juvénile et de passion déçue. Le Diable sur les collines raconte des étudiants heureux de se faire bronzer sur le Greppo. La thématique est typiquement pavesienne, le passage traumatisant de l’adolescence à l’âge adulte. Une peinture réaliste et poétique des collines piémontaises qui m’a complètement envoutée et m’a ramenée à ma propre adolescence, lorsque mon bel été se passait en Italie, dans ces collines de l’Appenin ligure que décrit Pavese, juste un peu plus loin à l’Est, les Colli Piacentini. L’époque la plus insouciante de ma vie, des paysages à tomber, des amis pour qui le souvenir de mon affection ne s’est jamais tari, le tout cristallisé comme tel et ravivé par la lecture des romans de Pavese.

Colli Piacentini

Les garçons roulaient en Fantic Trial. Il y avait ce bruit quand ils embrayaient. Et surtout cette odeur de moteur, persistante sur mes t-shirts. J’étais jeune et fascinée par ces adolescents désinvoltes, par leur moto. Ils roulaient sur les petites routes des collines. Sans casque. Ils accéléraient. Exagéraient un peu le changement de vitesse quand ils passaient devant le bar du village où j’allais acheter ma glace à l’eau. Le bruit du moteur s’éloignait, les émanations des Fantic Trial m’imprégnaient. Ces garçons plus âgés que moi, je crois que je les trouvais beaux.

Adolescente, mes amis avaient des Vespas. Ils m’emmenaient sur les routes sinueuses des collines. Nous allions nous baigner au bord de la rivière Chero, à Macinesso en passant par des chemins non balisés. Nous aussi, nous nous faisions bronzer, c’était encore à la mode. Nous étions peut-être un peu stupides, moi probablement. C’était l’âge, et après tout, n’est-ce pas le propre de l’insouciance d’être un peu con ? J’ai été insouciante là-bas. Parfois trop. Le lieu de rencontre, le bar. J’y retrouvais mes amis, Dina, Piera, Massimo, Virginio, Giacomo, Gigi, et d’autres qui devenaient mes amis le temps d’un été. Les intermittences du cœur prenaient beaucoup de place. Parfois trop. C’était l’âge.

Aujourd’hui, je lis Pavese et revis ces moments. Le souvenir qu’il me reste de ces beaux étés, ce ne sont pas ces amourettes éphémères. Ce qui demeure en relief, ce sont les paysages des collines et mes amis d’adolescence de Castellana et environs, dont la gentillesse, l’allégresse et l’intégrité ont laissé une empreinte forte dans mon cœur et dans mon paysage mental. Des amis que je n’ai pas revus depuis longtemps, et pour qui je garde pourtant une affection toute particulière.

Il y a quelques jours, il semble que toi aussi, tu aies décidé que le métier de vivre n’était pas fait pour toi. R.I.P. Dina.