« Un rond-point peut-il être carré ? » Voilà comme un clin d’œil à Eugène Ionesco *. Et dans les treize textes réunis dans « récits B » – comme dans la plupart des romans que j’ai pu lire de l’auteur – on cligne souvent des yeux. Claude Simon, Cesare Pavese, Frantz Fanon, Nicolas Cirier, François Blondel, Le Corbusier, il y a pléthore d’invités dans cette œuvre !
Lire « récits B » c’est s’embarquer dans un Space Mountain littéraire, cela serait un peu comme renoncer aux conventionnelles céréales granola bio du matin à la faveur d’un petit déjeuner plus baroque et barré, tel qu’un space cake fictionnel servi dans de la porcelaine de Sèvres. Je vous l’écris comme je le pense, dans « récits B », il y a Baroque et Barré.
On y croise un typographe fou, on boit une bière au bar Le Phalanstère (clin d’œil à Charles Fourier), on apprend (surtout moi) ce que sont des thomassons, on visite les cabanons de la plage du Valais, une spécificité de Saint-Brieuc, on se promène dans les bois avec Robert Smith.
« Promeneur, si un jour tu entends chantonner « A Forest » dans la forêt où dansent les pins, pense à Robert et à celle qu’il cherche. » page 32
En écho à « Mélo », on retrouve les non cartes postales parisiennes, on sabre le champagne sur le toit de la porte Saint-Denis, on est triste pour Damien, écrivain sans œuvre. Car les personnages de « récits B » ne sont ni des héros (qui seraient A), ni des anti-héros (des -A mais quand même héros). Ils sont des non héros, personnages de récits B. Comme une sorte d’antidote au narcissisme et à l’égotisme. Le « complet escalope » plutôt que le « baromètre accroché au mur près du piano ».
Quelque chose me touche dans la plupart de ces personnages, quelque chose me parle dans ce cocktail littéraire très stylé. Quelque chose fonctionne avec moi dans l’écriture de Frédéric Ciriez. Qui pointe quelque part, mais où ? Sans que je comprenne très bien quel virage il conviendrait de prendre, je lis et j’aime, j’aime et je lis. Et qu’importe de ne pas savoir où. Je chante « A Forest » de The Cure et je perds un peu pied littérairement parlant. Car dans « récits B », ça tourne, ça tourne, rond-point, alcool, virage sisyphéen, and again and again and again and again.
À lire pour découvrir ou retrouver l’esthétique de Frédéric Ciriez en treize récits !
La citation
« Avant je préférais les lignes droites mais maintenant je préfère les ronds-points, et davantage même que les ronds-points le souple mouvement circulaire qu’ils imposent au volant, le moment de secrète confusion du choix, quand on ne sait si on a vraiment envie de prendre une sortie ou de ne jamais quitter le réseau et de continuer de tourner, tourner toujours, comme sur la platine de bitume d’un tourne-disque existentiel… page 62 »
« récits B », de Frédéric Ciriez, éditions Verticales
* « Les racines des mots sont-elles carrées ? » La leçon.