rentrée littéraire 2021

« De sel et de fumée » d’Agathe Saint-Maur, un premier roman comme je les rêve

« De sel et de fumée », c’est son premier roman. Agathe Saint-Maur, 26 ans, envoie son manuscrit à quelques maisons d’édition, Gallimard la contacte, elle est publiée dans la collection Blanche. Rien que ça…

Ce roman que Télérama qualifie de « belle réflexion sur le masculin et le féminin, un manifeste de la « gender fluidité », c’est l’histoire de la rencontre, de l’amour entre Samuel et Lucas, étudiants à Sciences Po. Les hauts et les bas de leur vie de couple, leur référentiel qui diffère et les malentendus que cela peut engendrer, car Samuel est issu d’une bourgeoisie de gauche tandis que Lucas, militant, grandit dans un milieu populaire. Dès la deuxième page du livre, on sait que Lucas est mort, succombant à ses blessures après une rixe entre manifestants (on pense à l’affaire Clément Méric). Le roman c’est Samuel narrant, après le décès de Lucas, le souvenir de cette vie à deux, la solitude de l’après. Une lecture qui n’est pas sans évoquer « Ça raconte Sarah » de Pauline Delabroy-Allard.

C’est sur Instagram que j’ai repéré ce roman de la rentrée littéraire de janvier. L’incipit publié sur le compte d’Agathe the book (post du 31/12/2020) a réussi, et de manière instantanée, à m’insuffler la promesse d’une intensité, d’une puissance littéraire. Il arrive qu’un incipit suffise à me convaincre de lire un roman et puis que la suite me déçoive, que l’histoire entre le roman et moi n’ait finalement pas lieu. Mais « De sel et de fumée », c’est une vraie rencontre entre une plume et moi. 

Ce premier opus n’est pas sans défauts, à un moment de ma lecture, la surdose d’aphorismes qui devenait presque algorithmique a commencé à me gêner. Mais paradoxalement, j’avoue que ce sont précisément ces imperfections qui m’ont fait tant succomber à son charme. Le charme perfectible des aspérités du premier roman…

Pourquoi j’ai adoré « De sel et de fumée » ?

  • Parce que ce roman a exalté ma passion de lectrice toujours en quête de cet indéfinissable quelque chose relevant du Graal et qui s’appellerait littérature.
  • Parce que, bien que « De sel et de fumée » parle d’une génération et aborde plusieurs thèmes, c’est un roman qui balance du côté du signifiant, qui convoque même Scylla.
  • Parce qu’il y a quelque chose dans le référentiel de l’autrice qui me parle de manière implicite.
  • Parce qu’Agathe Saint-Maur est une primo-romancière comme je rêve encore d’en découvrir, lorsque je persiste à lire des romans de la rentrée littéraire tandis que des œuvres majeures et des valeurs sûres patientent dans ma pile à lire…
  • Et peut-être aussi parce que j’aime « la croûte, le jaune, le blanc » et que j’aime assez l’idée qu’« il n’existe pas de chose si grave dans un couple que des croissants ne puissent réparer. » 

La citation

« Nous sommes simplement deux amants dont on essaie de connecter les mauvais pôles. Qui se rejettent éperdument, alors qu’ils sont faits pour être ensemble. Qui se fuient, alors qu’ils sont irrémédiablement attirés l’un par l’autre. Nous sommes les lettres d’un mot dont l’assemblage nous paraît insaisissable quand on s’y penche trop longuement : d’évident, il devient soudain étrange, hasardeux, puis absurde, et même invraisemblable, à tel point qu’on croit qu’on s’est trompés depuis le début, que ça ne s’est jamais écrit comme ça, qu’il vaut mieux tout effacer et recommencer avec d’autres lettres. »