Covid19 – Journal de bord, 3 avril 2020, délabrement stylistique

« Alors oui, inévitablement, tous les écrivains en activité tiennent leur journal du confinement. Sujet imposé. Sujet unique. Ne nous accablez pas. C’est en écrivant que nous produisons nos anticorps. » la chronique du confinement d’Eric Chevillard, Le Monde, 2 avril 2020

Comme nombre d’entre nous, depuis le confinement, j’ai abandonné la tenue de bureau preppy complètement hors sujet, pour désormais arborer l’uniforme du télétravailleur, soit un pantalon de jogging très délavé et un tee-shirt Petit Bateau laissant deviner mon nouveau style free the nipple. J’avais quand même résisté quelques jours, et puis, rendue à l’évidence que mon pressing favori avait tiré le rideau, j’ai capitulé. Il subsiste tout de même un brin de rigueur et de dignité à ce dress code : cheveux propres indispensables et port obligatoire du rouge à lèvres pour le cas où on me contacte en visio. 

Il devient moins évident de compartimenter temps travail – fin de journée, puisque la tenue de télétravail s’adapte fort bien au crépuscule devenu plus tardif depuis le passage à l’heure d’été. Le trajet de fin de journée chaise du bureau – canapé nous place dans l’impossibilité totale d’accomplir les sacro-saints dix mille pas par jour et au point où on en est, on regarde même les scènes de crêpages de non-chignons entre Alix et Océane sous le regard quasi stoïque de Benjamin dit Benji, j’ai nommé trois compères vaudevillesques des Marseillais aux Caraïbes… Pendant que les Marseillais s’invectivent, moi, dans mon salon, en tenue dite cocooning, je désinfecte l’écran de mon téléphone portable avec mon spray Rescue de Fleurs de Bach. Après tout, c’est de l’alcool, ça désinfecte. Système D, puisque l’alcool à 70° a complètement disparu des rayons du supermarché. Je sais, tout cela devient critique, mais en ce moment, je n’ose pas appeler mon médecin.

Va se poser tout bientôt la question de la coloration des petits cheveux blancs qui repoussent. Pas de panique, maitrise totale. j’ai regardé le tutoriel instagram de David Lucas Paris et j’ai bien noté, « choisir une tonalité naturelle, on évite les aubergine, tout ça, on déteste. » Got it ! Je me suis demandé si c’était à cause des cheveux blancs émergents ou de l’épilation négligée qu’en substitution des selfies avantageux, sont apparues sur Facebook des palanquées de photos de « quand j’était petit » avec la mention défi relevé. J’ai pas trop vu passer comme défi : « Montre-moi tes racines ».

Mon agenda est vide. J’avais un dernier rendez-vous. Mon dernier espoir de sortir une tenue de ville de ma penderie. Rendez-vous chez un spécialiste. Le genre de rendez-vous que tu prends des mois à l’avance. Back to square one, rendez-vous annulé par texto automatique ce jour, même pas personnalisé. Je me suis fait larguer, comme ça, comme une vieille peau qui n’a pas vu d’esthéticienne depuis des semaines. Le texto mentionnait que je pouvais opter pour la téléconsultation. J’ai hésité, mais bon, examiner mon colon par téléconsultation, je trouve que ça manque de style.

J’ai aussi décidé que j’allais ressortir ma vieille machine à coudre et que j’allais confectionner des masques en tissu selon le tutoriel du CHU Grenoble. J’avais vu aussi passer une version de masque confectionné avec des bonnets de soutien-gorge et de prime abord, ça me paraissait plus simple à réaliser et une bonne manière de recycler mes soutifs au chômage technique. Finalement, je me suis ravisée et j’ai opté pour une approche un peu plus professionnelle de l’élaboration du masque en tissu. Soit le recyclage de mes t-shirts Petit Bateau qui présentent l’avantage d’être 100 % coton et d’être conformes à la spec. Lundi, ma tenue de travail sera ainsi réduite à un bas de jogging délavé et rien pour le haut. J’ai bloqué la fonction appel en visio. Je pense quand même conserver le rituel du rouge à lèvres, … parce que quand même, jeunes gens, faudrait tout de même pas en arriver à un trop grand délabrement stylistique ! 😉

Prenez bien soin de vous ! Restez chez vous !

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