Covid19 – Journal de bord, Dimanche 22 mars, journal ou anti-journal ?

«Du jour au lendemain, notre vie quotidienne est devenue singulière, étrange, et incompréhensible. » Roberto Ferrucci, Je vous écris d’un pays fermé, l’Italie Tribune Le Monde, 14 mars 2020.

JOURNAL DE BORD D’UN CONFINEMENT

Vendredi soir, je vous évoquais ma gêne à la lecture de ces journaux de confinement écrits par des personnalités littéraires un peu hype ( Covid19 – Journal de bord, Vendredi 20 mars, propagation du journal de confinement ). Il s’agissait de mon propre ressenti, guidé par le sentiment que lire ces artistes au quotidien petit bourgeois déconnecté de la réalité du moment présentait quelque chose d’un peu agaçant. À ce moment-là, je n’avais pas encore pris connaissance des réactions des internautes – bien plus virulentes que ma prose – et qualifiant notamment Marie Darrieussecq et Leïla Slimani de « bourgeoises décervelées et auto-centrées »… Ces journaux d’exilées parisiennes évoquant leurs journées de confinement avec des phrases comme « j’ai regardé l’aube se lever sur les collines. », etc, avaient sans doute une démarche à visée littéraire. En pleine bourrasque coronavirale, c’était de toute évidence maladroit et disons, hors sujet.

Cécile Coulon, une écrivaine un peu plus rock and roll que les deux précitées fut questionnée sur cette petite polémique. Voici son point de vue, que je partage plutôt : « On demande à des gens de faire des journaux de confinement mais on le demande à des gens d’une classe sociale particulière. Ce n’est pas que je n’aime pas ça. Ce serait bien que les journaux proposent aussi de lire à quoi ressemblent les 24 heures d’une caissière, d’une femme de ménage, d’un routier. »  

Et puis, il y a vous, il y a D. qui m’écrit « Ce midi j’ai confiné des pommes de terre au fond de mon estomac et j’ai colmaté avec du Mont d’Or chaud ». Il y moi, blogueuse lambda. Il y a des personnels soignants qu’on connait, amis, connaissances, famille, qui vont vivre une crise sanitaire sans précédent. Pour certains alors qu’ils n’ont même pas encore terminé leur cursus d’études, … le virus n’attendra pas le diplôme. Il y a nos ainés, têtus et capricieux, qui pour la plupart, ont connu la seconde guerre mondiale, les tickets de rationnement. Ces ainés qui ne se sont pas gênés pour critiquer notre approche consumériste du monde, nous rabâcher des « tu sais, de mon temps… » et qui, vous l’aurez peut-être relevé, pour certains, peinent aujourd’hui à s’adapter au #restezchezvous, ont du mal à intégrer le danger de ce coronavirus potentiellement mortel pour eux.

Du jour au lendemain, notre vie quotidienne est devenue singulière, étrange, et incompréhensible, nous écrit Roberto Ferrucci.

Je regardais beaucoup trop les écrans depuis la semaine dernière. Aujourd’hui, j’ai posé les mains sur le clavier de mon piano et j’ai fait entrer Frédéric Chopin dans mon confinement.