« J’ai demandé à mes étudiants de l’atelier d’écriture de commencer à tenir un journal. Tout le monde devrait le faire. Nous traversons un moment dramatique certes, mais historique. Du jour au lendemain, notre vie quotidienne est devenue singulière, étrange, et incompréhensible. » Roberto Ferrucci, Je vous écris d’un pays fermé, l’Italie Tribune Le Monde, 14 mars 2020.
Journal de bord d’un confinement
Ce lundi matin, j’ai pris le volant de ma voiture. Comme tous les matins, pourrais-je me dire, mais pas vraiment. La circulation donnait quelques signaux de la dramaturgie du moment. Anormalement fluide. Je me suis demandé si ce trajet routinier pour aller bosser, si ça allait encore être possible dans les prochains jours ou semaines. Et puis j’ai allumé la radio. Infos ? Ma playlist Deezer ? J’ai opté pour Radio Nova qui diffuse une musique pointue sans poids de l’histoire et parfois même sans futur. Mais on l’a déjà écrit, ce matin n’était pas un matin comme les autres et Radio Nova m’a servi un Supernature de Cerrone.
Dès la fin de la matinée, les rumeurs de mesures de confinement total en France allaient bon train, les supermarchés étaient assaillis par les anxieux du garde manger vide, les flippés du popotin souillé, l’arrivée du Coronavirus marquant également selon toute évidence, le déclin de l’Empire de l’intolérance au gluten et l’intemporalité du virus de la connerie. Enfin, peut-être ont-ils raison d’anticiper, j’en serai éventuellement bientôt réduite à la douchette à l’orientale pour mon hygiène post étron, par manque de prévoyance…
Il y ce paradoxe du Coronavirus. D’un côté, l’anxiété, voire l’accès de panique, à l’idée de manquer de nourriture, qui pousse à vider les rayons des supermarchés. De l’autre, les Déjeuner sur l’herbe dans les parcs parisiens ce dimanche. Tableaux impressionnistes mi bobo mi branchés, qui se sont retrouvés sur les réseaux sociaux et sur toutes les chaines télévisées, notamment de notre voisine l’Italie. Pendant ce temps, l’Italie comptabilisait ses funestes chiffres de nombres de morts ayant passé la barre des 2000 sans que le virus ait bugué. Entre les deux, les médecins, les infirmières, les aides-soignants, le front, la réalité clinique de cette crise sanitaire. Est-ce que ce monde est sérieux ?, nous chantait Francis Cabrel. Il parait que les ventes de sextoys connaissent une forte hausse depuis le début de l’épidémie.
Je ne regarde jamais la télévision. Reformulons. Je ne regardais jamais la télévision. Ce soir, comme ce matin, rien n’était comme d’habitude, je voulais être à l’heure pour les annonces d’Emmanuel Macron à la TV. Aujourd’hui, j’ai croisé moins de dix personnes dans toute ma journée et toujours à distance réglementaire, avec mon petit syndrome de la bonne élève. Si j’ai bien interprété, demain, je pourrai encore me rendre à mon boulot, et même faire un peu de footing solitaire dans une ville morte. Footing imaginaire après tout qu’importe. Que nos vies aient l’air d’un film parfait.
La vie est si triste
Dis-moi que tu m’aimes
Tous les jours sont les mêmes
J’ai besoin de romance