« Miroir, mon beau miroir, dis-moi que je ressemble à quelqu’un »
La couverture de « Réelle », publié aux Editions de l’Observatoire, m’avait tapé dans l’oeil. Sur Bookstagram, quelques chroniques de ce roman avaient ralenti mon scrolling et j’avais classé l’une d’entre elles dans mes signets, attirée autant par la couverture que par le thème.
Un samedi de novembre 2018, je déambule dans les allées symétriques du salon du livre de Toulon (cf ma chronique Fête du Livre 2018, un ciel bleu teinté de jaune) et la couverture très distinctive de « Réelle » me saute aux yeux. Ô joie, Ô espoir ! L’auteur est présent ! Une très sympathique discussion s’amorce.
Guillaume Sire m’explique que c’est par l’écriture de ce roman qu’il a vraiment trouvé sa voix. Désireux d’écrire sur des lieux et des personnes à propos desquels les a priori sont coutume, l’écrivain me raconte qu’il a souhaité écrire l’histoire du personnage, Johanna, sans jugement ni hauteur. Ecrire avec humilité. Une approche qui me plait et éveille d’autant plus ma curiosité. On évoque Bookstagram, je repars heureuse, l’ouvrage orné d’une dédicace attentionnée.
J’entame la lecture de « Réelle » fin décembre. La Johanna du roman, c’est un peu Loana. Celle du Loft. Celle de la première télé-réalité. À la fin de cette lecture qui ne me laisse pas indemne, l’empathie pour le personnage me fait me poser la question suivante : Et si cela avait été moi ? Si j’avais été cette Johanna, une jolie fille à qui le conseiller principal d’éducation dit « l’université, pour vous, ce sera difficile. (…) Par exemple, vous pourriez être vendeuse. » Johanna, salariée du Mac Do’, qui plus tard reçoit le coup de fil de la boite de production Elmonde et qui se voit proposer de participer à la nouvelle émission Le Loft.
Parce que la vie de Johanna avant Le Loft, c’est un peu une vie de beauf, la vie simple d’une fille qui veut être aimée. Surtout par les garçons. Et de ce côté-là, ça ne démarre pas très bien. Par « amour », elle est prête à accepter les rendez-vous avec Antoine, lycéen issu d’un milieu bourgeois, dans les toilettes du lycée. Dans cette relation malheureuse, elle saisit la notion des classes sociales et de leurs codes respectifs. Elle ne s’appelle pas Pauline, comme la vraie petite amie d’Antoine. Non, elle s’appelle Johanna. Ses parents à elle regardent la télé et s’endorment devant. Leur idole c’est Johnny. « C’est un chanteur pour les beaufs, avait dit Antoine. – Tout le monde aime Johnny. – C’est bien ce que je dis. » Les notes à l’école, c’est pas trop ça. Le garçon qui la drague gentiment sans rendez-vous aux toilettes est apprenti garagiste. Même en devenant blonde, c’est quoi les possibilités d’avoir une vie de rêve quand on est une Johanna ? Quelles sont les ambitions réalistes ? Travailler au Mc Donald’s et se dire qu’il faudrait absolument trouver mieux, est-ce surprenant ? Accepter la proposition et participer au Loft, est-ce condamnable ? Le prix à payer pour la célébrité sera lourd, et même si les caméras semblent tout filmer dans ce genre d’émission, la suite du roman en dénoncera les coulisses.
Après tout, moi Louise Adèle, en publiant sur ce blog, en écrivant des nouvelles et en espérant publier un jour un roman, comme beaucoup d’autres dans mon cas, est-ce que je n’aspire pas, tout comme Johanna, à une forme de vie de rêve ? Certes, mes notes à l’école étaient correctes, mes caractéristiques physiques fort loin des critères d’embauche de la télé-réalité et la blondeur c’est pas mon truc, mais d’une certaine manière, ne suis-je pas moi aussi en train de tenter d’avoir une vie romanesque et de devenir quelqu’un ?
« Réelle« , l’histoire très bien documentée et racontée avec tendresse par Guillaume Sire, d’une fille comme plein d’autres.