Au Théâtre du Rond-Point, Les Filles de Simone débattent avec audace !
C’était juste avant la neige, avant la vague de froid. Entre deux galettes des rois qui rapportent beaucoup à la circonférence de mes fesses, je procède à un aller-retour Marseille-Paris pour me rendre à l’Assemblée Générale du Cercle littéraire des écrivains cheminots. Et comme pour chacun de mes courts séjours parisiens, une pièce de théâtre se trouve au programme de mes activités. Le titre est prometteur : Les secrets d’un gainage efficace.
Après l’Assemblée, mon jean slim me semble manquer de pourcentage d’élasthanne; sans doute la faute de cet excellent repas à la brasserie l’Européen. Je repasse à l’hôtel, histoire de desserrer un peu le corset, me repoudrer le nez et autres urgences plus ou moins féminines. Un petit check à mon appli RATP, vérification du numéro de la ligne de métro pour me rendre au Théâtre du Rond-Point et Ô panique. On est samedi fin d’après-midi, Gilets Jaunes, manifestations, stations de métro fermées, diantre ! l’itinéraire standard ne va pas fonctionner !
Je remballe fissa les petits débordements adipeux dans le jean slim, enfile mon manteau et cours vers la ligne 14. J’ai fait le calcul, descendre à Madeleine, dix à quinze minutes de marche par les Champs Elysées et l’affaire est réglée. Enfin, encore faut-il arriver à l’heure puisque je n’avais pas anticipé ce contretemps.
La ligne 14 file, sans être perturbée par les manifestants. Je sors de la station, marche en direction de la place de la Concorde et me retrouve face à un barrage de police. J’avance, je dis « Je vais au théâtre du Rond-Point », le mot de passe semble fonctionner et Sésame ouvre-toi, je me retrouve de l’autre côté, sur une place de la Concorde quasi déserte. Aucune voiture, quelques passants. Une expérience insolite et quasi magique.
Je m’engage alors sur l’avenue des Champs Elysées, elle aussi complètement débarrassée de son habituel et dense trafic automobile et piétonnier. Incroyable, je marche au milieu de l’avenue la plus belle du monde, presque seule, le prochain barrage se trouvant beaucoup plus haut et les derniers manifestants occupant sans doute l’autre extrémité de l’avenue. Petite pluie fine et légère brume. Ambiance de film. Le décor est là, mais le Théâtre du Rond-Point m’attend. J’entre.
Je m’assois, le jean slim serre toujours un peu, la pièce commence très naturellement, les actrices arrivent sur scène par les allées dans le public, on rit déjà. Les dents mal alignées, les premières règles, la cellulite, l’épilation ticket de métro, le plaisir féminin, le budget coiffeur pour camoufler les blancs cheveux, la poitrine qui s’affaisse, la crème anti-âge qui coûte une blinde. Les Filles de Simone débattent, on rit beaucoup et on réfléchit aussi. On pense à toutes ces injonctions sociales auxquelles la femme se soumet plus ou moins consentante, juste pour rester dans « la course », tandis que l’homme ne s’embarrasse de pour ainsi dire aucune de ces préoccupations pour lui-même. Je ris beaucoup, mais je sais bien que moi aussi, je suis le mouvement, je dépense de l’argent, je passe du temps et fais moult effort pour rentrer dans la norme sociale. La pièce est fantastique et les actrices très fraiches et spontanées, jouent avec audace leur rôle. Je suis complètement enchantée et me félicite de ce choix.
Le jean serre encore, j’ai probablement le nez qui brille avec la chaleur de la salle, les armatures de mon soutien-gorge m’oppressent un peu, les cernes commencent à se pointer, sur les so Glamour Champs Élysées, mes cheveux bouclent avec l’humidité, j’ai pas eu trop le temps de m’épiler, il est peut-être temps de rentrer…