J’adresse mes remerciements à Anthony van den Bossche pour cette lecture.

Deux artistes contemporains, David Brognon et Stéphanie Rollin ainsi que l’auteur, Anthony van den Bossche partent à Jérusalem en octobre 2015. Le projet : réaliser une performance vidéo intitulée The Attempt. Mais la veille de leur arrivée, en Israël, c’est le début de « l’Intifada des couteaux ». Le projet initial est alors remis en cause, il faut choisir entre garder l’idée première et différer le séjour, ou s’imprégner du contexte, de sa réalité et adapter le projet.

Ce premier livre d’Anthony van den Bossche, publié dans la collection 1er mille aux éditions Arléa se lit entre carnet de route et récit. On y découvre les villes de Tel Aviv et de Jérusalem à travers le regard de l’artiste. Tel Aviv, « une cité blanche aux courbes fluides, fracturées par une végétation explosive. » On se promène avec l’auteur sur la plus jolie avenue de la ville, l’avenue Rothschild, on écoute Thievery Corporation, on traverse Neve  Tsedek, ce Brooklyn oriental. Le soir on croise des centaines de jeunes en shorts, jean et tee-shirts et on s’assoit sur des chaises Navy, au café Rothschild. Loin de Jérusalem, où l’inquiétude et la tension montent dans les rues. Rues où militaires et policiers sont en faction, tandis que devant l’Israël Museum, le rouge d’un coeur emballé par Jeff Koons flamboie.

Le cameraman les avertit, le projet est devenu impossible. Mesurer Jérusalem en additionnant les lignes de vie de ses habitants, soit cinq mille paumes de main filmées sur David Street, dans le contexte de cette vague d’attaques à l’arme blanche devient risqué. Et inapproprié. La peur de prendre un coup de couteau, ne pas déroger à l’idée de départ, la crainte de David de ne pas tenir l’engagement « On ne peut pas revenir sans rien. On a déjà promis cette pièce ! » La tension monte. Et puis Stéphanie, le territoire partagé, vivant depuis cinq ans avec Anthony et restée la complice artistique de David avec qui elle a vécu cinq ans. Dans les rues de Jérusalem, la polyphobie de Stéphanie refait surface . Il aurait fallu faire cette vidéo en descendant de l’avion, tout de suite, sans connaître le contexte.

Si dans leur détermination, les artistes maintiennent dans un premier temps le projet initial, ils se rendent compte que finalement « Cette performance n’était pas juste. C’était une vue de l’esprit depuis Paris ! ».

On comprend dans ce premier livre d’Anthony van den Bossche, le fondement et la démarche artistique de l’artiste contemporain. Tout comme l’auteur, je m’étais rendue en Israël au début des années 90, et tout comme lui, je n’avais pas compris et plutôt raté ce rendez-vous. Sans doute étais-je trop jeune. Sans doute également n’avais-je pas eu le regard que nous propose l’auteur, celui de la démarche artistique contemporaine qui plutôt qu’être déterministe, plutôt que d’arriver avec un référentiel, s’imprègne d’un contexte présent qu’elle ne peut ignorer, et le retranscrit en signes plastiques.

Après cette lecture, je repense aussi à la Polina d’Angelin Preljocaj qui tente de trouver sa propre voie dans la danse contemporaine en s’imprégnant de l’ordinaire ou de l’extraordinaire qui l’entoure et je remercie Anthony van den Bossche pour cette invitation à comprendre le regard et la démarche de l’artiste contemporain. Tout un chacun pourra lire ce livre et y trouver son angle de lecture. N’étant pas très douée en histoire, j’ai choisi l’angle artistique, mais le récit foisonne de détails historiques très intéressants, notamment sur le Saint-Sépulcre et la vieille ville de Jérusalem.

Le tournage de la video aura bien lieu. Les trois artistes, après avoir arpenté les rues de Jérusalem dans la crainte du coup de couteau, après avoir respiré la ville, son histoire complexe et ses vieilles pierres, trouveront l’inspiration juste. Une performance chargée de symboles.

Performance est le récit de la démarche qui précède l’oeuvre. Une tentative très réussie.

Performance, Anthony van den Bossche, 108 pages
Editions Arlea