Je poursuis mon exploration du catalogue des éditions Verticales. Après BettieBook, lecture déstabilisante – mais lecture coup de cœur – m’ayant permis de découvrir la plume audacieuse et satirique de Frédéric Ciriez, je termine Mélo du même auteur.
Si la lecture de BettieBook m’avait fort déconcertée, l’univers et les personnages que le roman décrivait m’étaient plus familiers. Mélo m’a paru moins déroutant, mais plus difficile d’accès. Le roman se déroule une veille de 1er mai, en 2013; mes chroniques sont publiées tous les lundis, nous sommes le 30 avril 2018. Étrange et non intentionnelle convergence calendaire…
Mélo se déroule en trois parties, trois histoires parallèles Transfixion, Transformation, Transaction. Trois personnages qui vont se croiser ou se manquer dans un Paris backstage, un Paris dont on sent que l’auteur l’a volontairement situé hors champ des jolies cartes postales qu’on envoie à sa vieille tante. On retrouve dans cette proposition et dans le procédé, une écriture formaliste déjà relevée dans BettieBook. Le style m’a semblé toutefois plus baroque.
Le syndicaliste qui se suicide. Le premier personnage à entrer en scène, celui auquel je me suis le plus attachée et pourtant le moins décrit, le plus transparent. « En public, il est transparent, d’une mollesse inquiétante. Les gens ne le voient pas. Il n’existe pas. » Page 88. Un personnage qui n’est pas sans évoquer celui de Michel Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte, à qui le syndicaliste m’a fait repenser. Comme chez Houellebecq, on ne connaîtra même pas son nom.
Le deuxième personnage, un sapeur congolais était son ami. « Mon ami, il est de Lorient, le pays des merlus. Je l’appelle le Lorientais. » Page 122. Dans cette deuxième partie on pénètre avec Parfait de Paris, conducteur de camion poubelle le jour, roi de la sape la nuit, dans l’univers de la Société des Ambianceurs et des Personnes élégantes. Cette deuxième partie a fait l’objet d’une adaptation théâtrale mise en scène par David Bobée. Je suis restée assez extérieure au personnage, tout en relevant la maestria de Frédéric Ciriez à saisir et traduire une atmosphère et une identité.
Barbara, la vendeuse de briquets et autres gadgets éphémères, slalome sur les trottoirs de Paris en rollers de freeskate, s’arrêtant de temps en temps pour prendre un Doliprane et changer son tampon hygiénique. Ici encore, les descriptions sont concrètes, les parisiens croisés par Barbara loin de la carte postale. « C’était l’heure de pointe. L’air était sec, pollué, saturé de pollens et de gaz d’échappement. Des mères de famille et des nounous africaines molles créaient un tendre embouteillage. » Page 287.
Pas de psychologie ni d’empathie pour les personnages dans Mélo, la véritable protagoniste de ce roman me paraît être Paris, ville décrite à travers ces trois identités, sous un angle peu flatteur, sans retouches et loin des clichés romantiques habituels. Il se dégage pourtant de ce roman une forme de poésie.
Frédéric Ciriez, une écriture qui dérange ? Assurément, une littérature sans fond de teint.
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