Entre deux rentrées littéraires, on lit quoi ?

Entre deux rentrées littéraires, on lit ce qu’il nous plait ! On sort éventuellement de sa zone de confort, on explore, on s’extrait de son embourgeoisement littéraire pour aller lire des auteurs plus populaires. Ou au contraire, on va chercher les grands noms de la littérature ou les œuvres réputées difficiles d’accès, dont on fait une pile qu’on espère avoir lue avant la fin de l’été. On lit ou relit nos écrivains préférés, on peut aussi s’accorder une période monomaniaque et enchainer la lecture des œuvres d’un seul auteur sans risquer d’effets indésirables, ou presque car …

Si je n’avais retenu mon enthousiasme, à l’heure qu’il est un tatoueur serait peut-être en train de graver les initiales F.B. sur une zone de mon corps encore à déterminer. Soit F.B. pour mon chouchou du moment, François Bégaudeau. Fort heureusement, mon aversion pour les actes irrévocables et la confusion possible avec Frédéric Beigbeder ont freiné mon ardeur, je me suis contentée de lire Vers la douceur, roman dans lequel la virtuosité stylistique et l’ironie débridée de François Bégaudeau m’ont fait oublier l’allure dépouillée que revêt ma peau sans initiales.

Il ne voulait rien lui apprendre, ne voulait pas qu’elle masse sa nuque endolorie, ne voulait pas d’un couple où chacun soit la béquille de l’autre, ne voulait pas d’enfants, rêvait de douceur sans y croire pour lui-même.

La zone de confort offre ses parcelles de déception et Le jeune homme d’Annie Ernaux fut ma déconvenue de l’entre-deux rentrées. Les moins de trente pages de ce récit m’ont laissée assoiffée et selon moi, ne se suffisaient pas à elles-mêmes. Il m’a manqué un développement pour me faire adhérer à cette histoire d’amour entre le jeune homme popu’ et la quinquagénaire embourgeoisée. À mon grand regret, je n’ai pas tout à fait retrouvé ce qui me plaisait dans la littérature d’Annie Ernaux. À qui n’a rien lu d’elle, je conseille plutôt Mémoire de fille ou Passion simple.

Avec mon mari, autrefois, je me sentais une fille du peuple, avec lui j’étais une bourge.

La découverte de l’écrivaine Joy Sorman, je la classe dans la catégorie des jolies surprises. Écriture très contemporaine et ambiance rock & roll, zéro mièvrerie, voilà de quoi me sustenter. Boys, boys, boys prix de Flore 2005 est son premier roman, difficilement disponible en librairie – ce fut d’ailleurs une double découverte puisque ce petit Graal m’attendait dans la librairie parisienne « Les cahiers de Colette », lieu au choix pointu  et à l’atmosphère des plus charmantes – le genre de romans qui me donnent envie de lire tous ses autres ouvrages, d’en écrire moi-même et aussi d’écouter « Are you gonna be my girl » des Jet en jouant au baby-foot.

On ne se quitte plus pour une semaine ou pour dix ans, c’est-à-dire qu’on forme un couple, un truc à deux, une entente miraculeuse, qui exige le sexe et sa pérennité comme signes distinctifs et fondateurs.

Antoine Wauters vient de recevoir le Prix du Livre Inter 2022 pour Mahmoud ou la montée des eaux, et ce n’est pas son unique prix obtenu. Pour ma part, j’avais choisi de lire Le musée des contradictions afin de découvrir cet auteur à la prose lyrique. Chez Antoine Wauters, pas de place pour l’ironie ni la légèreté, l’heure est grave et il nous l’écrit avec poésie en douze discours qui m’ont laissé une forte empreinte. Antoine Wauters, c’est une voix.

« Les poèmes d’Ingeborg Bachmann ? Personne ne les connaît, donc ils n’existent pas. » Ils disaient ça pour nous aider. « Ce qui rencontre un public existe, ce qui n’en rencontre pas n’existe pas. » En quoi l’on voyait bien le caractère tautologique du succès (ne marche que ce qui marche), mais nous jouions le jeu. Point.

Ma pile à lire estivale grimpe comme les tarentes sur les murs provençaux. Pour l’instant, ladite pile se profile plutôt comme un cocktail composé d’œuvres réputées difficiles d’accès, un ou deux classiques et, tout comme ces musiques que je n’écoute qu’en été, de ces romans que je ne lis que chaussée de nu-pieds !

Œuvres citées

« Vers la douceur » François Bégaudeau, Éditions Verticales

« Le jeune homme » Annie Ernaux, Éditions Gallimard

« Boys, boys, boys » Joy Sorman, Éditions Gallimard, Prix de Flore 2005

« Le musée des contradictions » Antoine Wauters, Éditions du sous-sol

Crédits photo : Gana Dive